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Un chevalier de l'amour en sa beauté ou

Le cœur transpercé pour sauver une jeune fille:

 un martyre prophétique pour aujourd'hui

 

           

 

 

             Cette année, coïncidant avec les 300 ans des Pères Spiritains -voici  70 ans, le 21 avril (1932) un prêtre de 30 ans: Henri de Maupeou, missionnaire spiritain au Cameroun, donnait sa vie -transpercé par une lance - pour sauver une jeune fille de son agresseur.

            Il est béatifiable comme un véritable martyre depuis que Jean-Paul II a élargi la notion de martyre à ceux qui ont donné leur vie, pas uniquement et explicitement pour la personne du Christ, mais aussi pour des valeurs évangéliques, faisant partie intégrante de la suite du Christ Jésus. (charité, justice, pureté,etc..) Ainsi, a été canonisé comme martyr le P.Kolbe, (béatifié comme confesseur de la foi) et onze religieuses polonaises de Nazareth s'offrant aux Nazis pour prendre la place de parents . Ainsi, un Mgr Romero et bien d'autres, pourraient-ils l'être pour la cause de la justice... Le pape s'en est expliqué clairement.

            "Le martyre -dit-on traditionnellement- suppose chez les meurtriers "la haine de la foi": c'est à cause d'elle que les martyrs sont assassinés. Et c'est vrai. Cette haine de la foi peut toutefois se manifester objectivement de deux manières différentes: ou bien à cause de l'annonce même de la Parole de Dieu, ou bien à cause d'une certaine action morale qui a son principe et sa raison d'être dans la  foi.

            C'est toujours pour son témoignage de foi que le martyr est assassiné: dans le premier cas, pour un témoignage explicite et direct, dans le second cas pour un témoignage implicite et indirect, mais non moins réel et même, en un certain sens, plus complet du fait qu'il se réalise dans les fruits mêmes de la foi que sont les oeuvres de charité .

            Il en ressort  donc que les meurtriers prouvent leur haine de la foi (...) aussi quand cette violence s'acharne contre les oeuvres de charité en faveur du prochain, des oeuvres qui ont objectivement et réellement dans la foi leur justification et leur raison. Ils haïssent ce qui jaillit de la foi et démontrent leur haine de cette foi qui en est la source."

                                Jean -Paul II le 15 mai 83, lors de la béatification de Mgr Luigi Versiglia

 

 

Une brûlante actualité

 

            Dans le domaine de la pureté, Jean-Paul II a ainsi béatifié dans le sillage de Maria Goretti dont nous fêtons le centenaire,  Anwarita,( Zaïre), Karolina Kotzka (Pologne), Pierrina Morosini, Antonina Messina et Teresa Braco (Turin 1945)

            Le martyr dans ce domaine de la chasteté est devenu terriblement actuel en Occident. Si, dans les pays d'Islam intégriste au pouvoir le martyre explicitement à cause  du Christ a pris le relais de la persécution communiste (encore qu'elle continue en Chine et Corée du Nord ) dans les pays à libéralisme moral avancé-virant au totalitarisme. De plus en plus de baptisés sont tués préférant la mort à la perte de leur virginité (Maria dos Santos, à Lourdes en 90, Santa Scorese à Bari en 91, et tant d'autres)

            Mais il y a aussi ceux qui donnent leur vie - au sens de se dépenser sans compter - pour sauver le mystère de la vie, pour protéger celui de l'amour, les deux étant insécablement liés. Et cela, au risque de cette forme non violente de martyr qu'est le fait d'être injustement accusés, soupçonnés des actes mêmes contre lesquels ils se battent et qu'ils réprouvent et condamnent. Ces innocents ont leur vie brisée définitivement, alors qu'ils avaient souvent un rayonnement extraordinaire sur les jeunes et les pauvres, dont ils étaient profondément aimés (L'un est mort de crise cardiaque - on veut maintenant béatifier ce martyre de la justice humaine), un autre, ses cheveux en ont complètement blanchi en une nuit) Ils sont mis en garde à vue, dans des conditions inhumaines, sur la moindre dénonciation, avant même l'ombre d'une enquête. Pour le cardinal Bernardin de Chicago, l'accusateur s'est rétracté après 9 mois, et a imploré son pardon .(voir mon article  sur ce grave problème dans France Catholique).

            Mais il ne faut pas exclure que certains devront aller jusqu'à verser leur sang pour cette cause vitale entre toutes à l'humanité. Des prêtres ont été tués par la mafia parce que s'y opposant courageusement.

            Pourquoi des proxénètes ne tueraient-ils pas ces prêtres et laïcs luttant de toutes leurs forces contre la prostitution organisée (800 000 esclaves sexuelles, commercialisées dans les pays de l'Union Européenne, "importées" chaque année d'Est-Europe) et surtout contre la plus ignoble des traites: celle des enfants. Le pire esclavage de tous les temps a lieu sous nos yeux peut-être effarés mais impuissants, si ce n'est indifférents...

            Tout cela pour souligner l'actualité du type de martyre qu'a illustré Henri de Maupeou. Serait-il donc prophétique pour aujourd'hui ?

 

            Son visage me demeure gravé depuis  qu'à l'âge de 10 ans, j'ai vu, dans sa maison familiale, celle de mes cousins, sa soutane ensanglantée et la sagaie qui lui a transpercé le cœur.

 

 

"Maman, je serai prêtre et missionnaire"

 

            Qui donc est Henri de Maupeou ? Il vient au monde le 4 février 1902 à Saumur où son père, lieutenant, suit les cours de cavalerie. Il est le troisième de 12 enfants.

            Ses études secondaires le conduisent successivement ( suivant les différentes garnisons) à l'Immaculée Conception de Laval, à saint François Xavier de Vannes, enfin à S. Stanislas de Nantes. En seconde dans une composition sur "mes rêves d'avenir", il n'a pas honte de glisser ces confidences, touchant à sa vie la plus intime:

            " J'ai toujours aimé Dieu et la France... Né au sein d'une famille profondément chrétienne, mes premiers mots furent: Jésus et Marie. Et  c'est vers Dieu, Jésus et Marie que furent dirigées mes plus lointaines pensées. De cette douce enfance, j'ai toujours gardé un souvenir paisible, et cette idée qui m'attirait vers un idéal  élevé m'a mené ensuite à la conclusion: je serai prêtre...

            Ce fut le jour de ma première communion que ces paroles sortirent d'elles-mêmes de mes lèvres tremblantes. On était en hiver. Il faisait froid, très froid et décembre nous avait ramené l'anniversaire de la nuit heureuse qui vit naître, il y a vingt siècles, le Rédempteur du monde. Il était tard: onze heures et demie venaient de sonner au lointain clocher de l'église de Notre Dame de Gray.

            Tout tremblant avant de recevoir pour la première fois le pain des forts, j'étais allé me jeter aux pieds de mes parents et implorer leur bénédiction. C'est alors que je leur fis part de cette vocation qui germait en moi. Je vis leurs yeux se remplir de larmes: leurs regards levés vers le ciel remerciaient Dieu, tandis que leurs mains s'abaissaient sur ma tête.

            Cette idée d'enfant n'est pas un caprice. Avec l'âge est arrivée la réflexion, et quand je descends en moi-même, je me revois disant dans un éclair de ferveur : "Maman, je serai prêtre!"

            Un autre sentiment se dispute pourtant mon cœur: la Patrie! J'ai bien rêvé souvent d'être un jour officier. Les brillants uniformes, le cliquetis des armes, le galop des chevaux, et la gloire aussi - je dois l'avouer- n'étaient pas pour me déplaire. Longtemps, je me suis vu passant des examens, franchissant les divers grades, et conquérant l'honneur  à la pointe de l'épée. Je voulais servir la France, la sauver, la venger, dussé-je perdre à son service une vie pourtant bien chère. Mon nom peut-être,, ne me paraissent pas moins conciliables. Sous la capote se cache la soutane; dans les héros de la guerre, on devine les prêtres. Que sont, en effet, tous ces prêtres - soldats, sinon des héros, humbles mais sublimes, du devoir ? Leur vie de sacrifice se termine par un acte d'abnégation suprême. Prêtre et soldat sera ma devise à moi aussi. Pour Dieu et pour la France !

 

 

            Je serai donc prêtre, d'abord pour servir Dieu, l'aimer mieux et  arriver plus droit au ciel. Et je servirai aussi la France, en soldat, en contribuant à la faire connaître et aimer jusque dans les pays lointains. JE SERAI MISSIONNAIRE !"

            Déjà, à 5 ans, n'avouait-il pas ": Je veux aller baptiser les petits Nègres"  -" Mais ils te mangeront!" lui rétorque une cousine   - " Eh bien ! J'irai voir le bon Jésus"

 

            Il a de qui tenir: un de ses oncles, jésuite, est préfet à Sainte Geneviève. Un autre, spiritain, est missionnaire à Madagascar. Sans parler des générations précédentes (des Maupeou sont évêques de Chalon ( et confirme la petite Marguerite Marie), d'Auch, et de Castres.  Parmi ses propres frères - comme si la vocation était contagieuse - 2 de ses frères deviendront prêtres du diocèse du Mans: Michel et Jean, qui sera martyr à Mathausen Plusieurs de ses  petits-neveux sont prêtres, dont Xavier évêque dans le Nord Est du Brésil, sa petite sœur Anne est toujours en sa phase terrestre d'existence.

            Tels sont les beaux fruits vocationnels d'un  milieu familial profondément baptismal, où l'on prie chaque soir ensemble, où Dieu fait partie de la vie de tous les jours, où l'on respire l'Esprit Saint, le plus naturellement du monde, comme cela se voit toujours dans quelques belles familles  nombreuses que j'ai la grâce d'aimer et d'admirer.

            Ce qui le marque le plus: "la mutuelle tendresse de ses parents"

            Il l'avouera dans une lettre de Rome à sa maman: " Ce qui m'a le plus impressionné en vous et papa, c'est d'abord votre union parfaite, qui de vous deux ne fait qu'un "

            Un mot d'un petit capucin, grimpé sur un tabouret dans la chaire, prêchant à Vannes , l'avait percuté": On suit une vocation comme les rois mages ont suivi leur étoile. On peut la perdre de vue un moment, mais elle reparaît et on se rapproche  du but "

 

            Cet appel des profondeurs ne l'empêche pas d'être un ado, puis un beau jeune homme, remuant, espiègle parfois, drôle souvent, gai toujours. Boute- en- train comme pas deux, il déborde de juvénile vitalité, vivant à du 300 à l'heure, geyser d'idées amusantes ou géniales. Généreux, dévoué, s'épanouissant en se donnant. Un jour, il offre le sacrifice de son bac, pour que son frère (moins doué) le réussisse. Exaucé, il n'est admis qu'à la session suivante. Séminariste, il passera 2 mois, de vacances à soigner à l'hôpital, son frère aîné, victime d'une chute de cheval.

 

Rome-Yaoundé: la passionnante  aventure

 

            1920: Séminaire français de Rome, cours à la prestigieuse Grégorienne dont il sort docteur en philosophie. Passionnante vie romaine! Fan de foot à la villa Pamphili, pèlerin infatigable des lieux saints. Inconditionnel du Saint Père (il pleure en apprenant la maladie de Benoît XV), son amour de l'Eglise s'y enracine à travers 2000 ans d'histoire non -stop.

            Marqué par les Catacombes, il confie, en proposant à sa famille le sacrifice d'espacer la correspondance   " Si vous saviez ce que l'exemple de tous les saints qui nous entourent ici peut influencer nos actes! Comme on est lâche et sans foi à côté de tous ces martyrs!" (7 02 20).

            Un an plus tôt, il aurait pu croiser, priant au Colisée, un jeune franciscain au visage émacié mais toujours souriant, venu de sa lointaine Pologne: un certain Maximilien Kolbe qui un jour, lui aussi livrera sa vie pour en sauver une autre ?

Après Rome: service militaire qu'il accomplit avec d'autant plus de joie qu'il avait aussi rêvé d'être soldat et de donner sa vie pour la France.

           25 septembre 1924:  pèlerinage dans la Patrie de Dieu, cette terre sainte où l'Evangile se fait visible, tangible. Entrée au séminaire des Pères du Saint Esprit à Orly, suivi du scolasticat à Chevilly .

           28 octobre 1927: joie de partager le propre Sacerdoce de Jésus. Dans son homélie de première messe à Versailles, je glane ce mot ": Priez afin que je ne répande pas en vain le sang du Christ, mais que, par mon ministère, il fasse germer des moissons d'âmes pour le ciel éternel" Son visage s'en illumine de joie.

           8 juillet 1928 : acte de consécration à l'apostolat : "Aux jours de mon enfance et de ma jeunesse, Vous m'avez appelé, ô Jésus. J'ai distingué Votre regard, j'ai entendu Votre voix: me voici! Avec vous, Seigneur Jésus, j'irai en toute contrée où, par la voix de mes supérieurs, vous m'enverrez. Avec Vous, je travaillerai, avec Vous, je mourrai. Adieu donc, ô mon pays; .. Amis d'enfance, parents aimés, adieu !"

 

 

 

          Puis,, il se consacre tout spécialement à l'Esprit, et se confie avec tendresse à Marie: "C'est à vous que j'irai"

11 septembre 1928 : avec 10 frères il s'embarque pour le Cameroun. Sur le quai de Bordeaux, il embrasse les siens une dernière fois. Et peu à peu, voit s'éloigner puis disparaître derrière l'horizon, sa douce terre de France qu'il ne reverra plus.

Ainsi  s'insère t-il dans la longue lignée de ces jeunes missionnaires qui, surtout depuis 3 siècles, ont tout quitté de ce qu'il aimaient pour porter la Lumière du Royaume  jusqu'au bout du monde. Et leurs chers parents étaient intimement associés à ce sacrifice. Qui pense à eux, qui ont offert leurs fils, leurs filles pour que la Parole de Dieu retentisse dans toutes les langues du monde ? 12 embarquaient à   Marseille ou Bordeaux, il en arrivait souvent que 6 ou 8. Et sur ceux-là, la moitié mourait au cours des premières années là-bas, dont bon nombre, tués pour leur Foi. Surtout en Extrême Orient. Que l'on visite les musées des martyrs Lazaristes ou Spiritains, pour en être saisis ! En partant, ils savaient très bien ce qui les attendait, et ils partaient tout de même ! A l'époque d'Henri, et en Afrique, c'était déjà moins dangereux. Mais on partait malgré tout pour toujours, sans aucun espoir de retour. (Pas question de congés tous les  3 ans, Aller-Retour en Boeing!  Je pense aux adieux déchirants à sa famille du bienheureux Maurice Tornay, jeune valaisan , chanoine du saint Bernard, partant en 36 au Tibet où il sera massacré en 47. Henri se sent de la race des Gabriel Perboyre, Théophane Vénard. Il est prêt à livrer sa Vie aussi bien au jour le jour, que d'un seul coup. D'un seul coup... de lance !

           

 Afrique amoureusement épousée !

 

          De Douala - une étuve! - il grimpe  pendant 12 heures par voie ferrée jusqu'au plateau de Yaoundé, centre du vicariat apostolique des Spiritains. Le voilà nommé professeur de dogme au séminaire. Sa simplicité attire spontanément la confiance des jeunes." On se sentait devant un frère plutôt qu'un Père... A la façon dont il vous traitait, on se serait cru avec un égal, un frère, un ami. Il semblait oublier qu'il était blanc. Tous  nous l'aimons, car il nous a tous aimés, " avouera un de ses17 séminaristes, Tobie Atanga.

         De l'énergie à revendre! Entre 2 cours, il se défoule, machette en main dans le débroussaillage de la propriété, y entraînant les moins motivés. Non et non, le travail manuel n'est pas une honte mais un privilège, un honneur. Mais ce qui le dévore: sa passion apostolique. Evangéliser! Annoncer le Christ à ceux qui n'ont pas le bonheur de le connaître. En un mot: faire aimer l'Amour si peu, si mal aimé!

          Il profite de chaque temps libre et surtout des vacances pour s'échapper. Maîtrisant rapidement l'Ewondo, il se dépense sans compter à confesser, visiter les malades, préparer les catéchumènes... Dans un périmètre de 12 km, 6 villages lui sont confiés. Il  y fait de constantes navettes. Quelques flashs dans une lettre à son supérieur général :

"Arrivé vers 4 heures du soir à Nkolanga - en moto- je prends tout juste le temps de me laver les mains; puis deux extrêmes onctions à des malades qui n'attendaient que les derniers sacrements pour mourir. Puis, prise de contact avec mes directeurs-catéchistes pour la révision des livres du Status séminarum; Puis deux heures  de confession, et, sans traîner, car mon petit bagage d'éwondo ne me permet de dire que le strict nécessaire. Puis, dîner suivi de quelques palabres plus ou moins aigus.                Multipliez par six, et vous aurez une idée de mon travail accessoire...

Vous comprendrez facilement, après cela, que la joie ressentie au jour de la Consécration persiste et devient chronique."

Décidément, le terrain du séminaire, c'est trop étroit ! Il lui faut de vastes horizons. De l'espace! Un espace  vital , le grand large, quoi!

        Harassantes les semaines saintes: 13 heures d'affilée de confession  pour 1600 pénitents dans un seul village. La chrétienté camerounaise est à ce moment en plein boum. Véritable déferlante ! Tourbillon apostolique ! Devant tant d'urgences pour le Royaume, l'enseignement lui pèse. A son supérieur": Il va falloir reprendre les cours, et c'est là mon cauchemar. Mgr Vogt m'a dit qu'il est permis et conseillé de parler à ses supérieurs de ses goûts et aptitudes. Eh bien ! voici, pour moi, en ce qui concerne l'enseignement; goûts nuls, aptitudes nulle.

            Voilà, Monseigneur, ma pensée toute claire. Je ne cesserai cependant de vous être très reconnaissant de m'avoir envoyé au Cameroun; mais, être au centre du combat, et dans une cage !"

 

 

S'épuiser à faire aimer l'Amour

 

             Enfin libéré, il peut s'en donner à cœur joie dans un district de 10 000  catholiques et 5 000 catéchumènes qui lui est confié. Il a 28 ans. Il va déployer sa fougue apostolique au maximum.

            Il  se dépense sans compter à leur service, toujours sur les pistes -quelque temps qu'il fasse.. Il parcourt des centaines de km à cheval, en moto, à vélo, à pied. Rien ne l'arrête. Pas un obstacle qu'il ne fasse sauter, ou qu'il ne contourne. Peu importe que le soir, il trouve  gîte et vivres ! Il vit en petit pauvre dans l'esprit de ce François qu'il avait rencontré en Ombrie, marchant sur ses traces, de Rieti à Assise. Un soir, à l'étape, il n'y a qu'une couverture, et les nuits sont fraîches. Au séminariste qui lui offre des draps, il rétorque fièrement: " Moi, je n'ai pas été gâté par les raffinements de la civilisation"

            Encore un flash:

             Le jour même de Noël, il dit 3 messes, dont deux chantées, celle de minuit et celle du jour. Il prêcha autant de fois. Après la troisième messe, et toujours à jeun, il baptisa et régla les palabres comme d'habitude. Juste le saint jour de Noël, le cuisinier oublia de préparer le repas. On sut se contenter d'un bout de pain durci  et d'un peu d'huile d'arachides. Durant les huit jours que nous y passâmes, malgré sa grande fatigue, le Père restait toujours affable et doux."  (Tobie Atangana)

            L'amour n'est-ce pas  tout donner, et surtout se donner soi même? Sans calculer. Sans murmurer. Sans lésiner.

 

            Devant l'enfant méprisé, la femme vendue, le pauvre écrasé: comment se taire ?

            Ce qui le bouleverse plus que tout: la polygamie, la traite des femmes, l'exploitation des enfants. Insupportable! Les plus petits, les plus faibles, les plus fragiles- donc les préférés de son Seigneur- sont victimes innocentes des grands et des forts. L'injustice des chefs locaux, l'orgueil et la dureté des hommes le révoltent. A cela s'ajoutent certains procédés de l'Administration coloniale française qu'il ne peut admettre. Sous prétexte de neutralité et de laïcité, elle ignore les Missions catholiques, et -plus grave- refuse de reconnaître le mariage chrétien, la famille chrétienne. Par contre, deux statuts sont officiellement reconnus: celui des musulmans, permettant 4 femmes légitimes et des concubines en veux-tu, en voilà. Et le statut fétichiste accordant des femmes en nombre illimité, femmes littéralement achetées au chef de famille. Toute petite, la fille est mise en adjucation et vendue à qui offre le meilleur prix. La fillette aux enchères, quoi! Résultat: seuls les riches peuvent se payer des harems, et les jeunes gens sans fric  restent célibataires, jusqu'à la mort de leurs pères : ils héritent alors poules, chèvres et...  femmes. Par ailleurs, ces polygames croulants aux nombreuses maladies vénériennes contaminent les femmes, n'ont guère d'enfants...  Bref, c'est l'exploitation de la femme, frisant l'esclavage domestique. Et c'est ce statut que l'Administration cautionne, alors qu'il ignore purement et simplement, même dans les régions où les chrétiens sont majoritaires, le mariage monogame, le mariage chrétien et donc la famille qui a été le berceau de la civilisation occidentale dont ces messieurs se targuent. Les chrétiens sont donc jugés d'après des coutumes fétichistes, qu'ils ont pourtant répudiées courageusement pour choisir le Christ. Inadmissible !

            "Ainsi qu'un chrétien, infidèle à son devoir, acquiert une ou plusieurs concubines, malgré les plaintes de sa femme légitime, il en a le droit: ainsi le veut la coutume. Qu'une chrétienne, mariée légitimement, soit débauchée par un étranger qui en donne à la famille un prix supérieur à celui qu'a pu verser le mari, elle doit suivre son nouveau propriétaire: ainsi le veut la coutume. Qu'une chrétienne soit acquise par un musulman ou un polygame, avec son consentement ou malgré elle, elle doit le suivre: ainsi le veut la coutume. Qu'une chrétienne, devienne veuve, elle passe à l'héritier du de cujus, fût-il païen, polygame ou musulman: ainsi le veut la coutume"

 

            Mais comment se taire devant d'aussi flagrantes injustices ? Comment se taire quand le plus faible est ainsi écrasé? Comment se taire devant tant d'enfants abandonnés, tant de jeunes quotidiennement commercialisés ? Tant de filles légalement violées ? Devant tant de lâchetés et d'hypocrisie de la part des caïds qui se voilent les yeux ou approuvent tacitement. Devant la mesquinerie de certains fonctionnaires qui  par anticléricalisme franco- français semblent contents de contrer ainsi les chrétiens, eux dont les racines culturelles sont bel et bien chrétiennes !

            Il ne peut s'empêcher de dire ce qu'il en pense. C'est plus fort que lui. Cela lui vaut des rappels à la prudence et à la modération, pour ne pas attirer d'ennuis au clergé.

            Le 7 septembre 31, fièrement, il répond à son supérieur général:

            " Oui, on me reproche d'être combatif, voire parfois agressif... Il ne fallait pas, alors, me donner une éducation chrétienne, il ne fallait pas m'enseigner des principes que je ne devrais pas appliquer! On fait tout ce qu'on peut pour nous nuire, et l'on trouve mauvais que nous réclamions! Sans doute, je connais l'histoire du pot de fer et du pot de terre; mais c'est avec ces craintes et ces concessions perpétuelles qu'on se laisse manger petit à petit.

            Je reconnais pourtant que j'ai pu manquer de prudence et que je n'ai pas toujours pu retenir ma langue: j'ai tort.

            Mais, vraiment, mes adversaires exagèrent. Pas plus tard qu'hier, une femme chrétienne, mariée à l'église depuis un an et demi, et dont le mariage a été préalablement inscrit à l'état civil, est réclamée par un chrétien comme lui appartenant, un chrétien légitimement marié, lui aussi, mais ayant répudié sa légitime. Eh bien ! Une simple déclaration d'un administrateur, mais faite devant un assesseur indigène, règle et stipule que "tous les partis étant d'accord" - a t-on seulement consulté la femme ? - celle ci est livrée à l'individu qui la réclame!

            Et tous les jours c'est la même rengaine. "On m'a volé "une poule, une chèvre, un panier d'arachide. - Qui ça ? - Le chef. - Pourquoi ? - Pour payer l'impôt." Certes, il faut payer l'impôt, et je suis bien loin de m'y opposer; mais pas avec le bien des autres ! -On m'a battu, on m'a blessé, on m'a séquestré. Qui ça ? - le chef. On m'a pris ma femme pour l'envoyer au travail dans les champs du chef... On lui a pris tous ses habits pour qu'elle ne se sauve pas...  On l'a donnée à un "police" pour la nuit; .. On lui a administré un lavement au piment...

            Et si, comme ces pauvres gens me le demandent, je porte ces plaintes à l'Administration: "Monsieur, je ne puis admettre votre témoignage, vous êtes trop intéressé dans l'affaire" Ou en d'autres termes: "Mêlez -vous de ce qui vous regarde.." Ou encore: " Pas d'ingérence cléricale !" Ne voyez pas cependant d'acrimonie dans mes réflexions. Je garde un excellent moral, et un optimisme à toute épreuve, mais enfin, je ne puis pas ne pas voir ce que je vois - et je le dis."

 

             Son écœurement  devant tant d'injustice criante rejoint celui de Charles de Foucauld au Sahara, 20 ans plus tôt:

            "Le gouvernement temporel commet une grave injustice contre ceux dont nous sommes dans une certaine mesure chargés (je suis le seul prêtre de la préfecture à trois cent kilomètres à la ronde), il faut le dire, car c'est nous qui représentons sur terre la justice et la vérité, et nous n'avons pas le droit d'être des "sentinelles endormies", des "chiens muets", des "pasteurs indifférents"

            Ou ceux de l'intrépide Père Lebbe durant les années 30:

            "Je mourrais bien content plutôt que de vivre  veulement , neutre, n'osant appeler le bien et le mal de leur nom, et ne jetant pas tout mon sang du côté des opprimés, ne fût-ce que pour manifester - dussé-je être seul au monde- l'indignation chrétienne contre le démon de l'impérialisme. Non, je ne serai jamais un "chien muet incapable d'aboyer!

            Faut-il que seuls restent dans leur fauteuil ou leur prie-Dieu de velours  rouge les disciples du maître des huit Béatitudes, et des huit "malheurs"?"

                                                           L'ultime cri

            Mais ce qu'il ne peut clamer publiquement, il va le crier, le crier  d'un seul cri,d'un unique coup. Tout de go: le cri de son sang. C'est son sang qui va en même temps sceller sa parole, et en même temps  signer sa vie . Toute sa vie va se ramasser  dans un grand cri silencieux, celui de son Cœur transpercé. Ce sera sa parole ultime, comme pour son Seigneur. Ce Jésus dont le côté ouvert est l'ultime parole, celle qui authentifie toutes les autres, celle qui crie plus fort que toutes les autres. Celle pour laquelle il ne faudra ni commentaire, ni traduction. Celle qui se résume à un seul geste, atteignant son cœur, pour toucher tous les cœurs.

            Effectivement, c'est cette situation de fait qui va entraîner son martyre.

            Dimanche 6 mars 1932, Henri passe la nuit à Akonolinga. Lundi 7, il reçoit la plainte d'une catholique, mariée à un certain Gabriel Edanga, catholique vivant mal. Celui-ci a acheté une jeune gille pour son frère, mais il la garde pour lui, la battant souvent. Henri l'envoie chercher. L'homme refuse, mais sa femme et la fille en question répondent à l'invitation. La fille ": Je veux être baptisée " . " Cet homme est lui-même marié à l'église: je ne puis vivre avec lui ". Elle demande à être accueillie au "Sixa", l'œuvre des Fiancés, à Mfumasi.Henri l'y accueille et l'assure qu'elle est maintenant libre. Elle affirme à nouveau sa volonté de se préparer au baptême.

            Le jeudi 10, vers 20h30, Henri entend des cris venant du Sixa (à 200m de chez lui). On court l'avertir,  qu'un homme armé de 2 sagaies, d'un coupe-coupe et d'un couteau veut y tuer toutes les femmes. Henri saisit un bâton qu'ensuite il jette, peur de s'en servir, et se précipite. L'homme  a déjà agressé la fille de 2 coups de couteaux. Henri l'interpelle: " Si tu as une réclamation à faire, c'est à moi qu'il faut  s'adresser, et si tu veux tuer quelqu'un..."  Sans pouvoir achever, l'homme fonce d'un bond sur lui, et lui lance en pleine poitrine, du côté gauche, une sagaie. Le coup est d'une telle violence, que la petite lance le traverse de part en part. Henri tombe  à la renverse. Le meurtrier soudain calmé tombe à genoux devant lui ": Oh Père! Pardonne-moi, j'ai agi comme un fou !" "Oui; oui, je te pardonne!" Et de lui donner sa bénédiction.

            On le porte dans sa case. Il envoie 2 hommes chercher du secours et griffonne sur un bout de papier: " Mfumasi.10 3 32. Ceci est mon testament. Je meurs prêtre catholique. Je pardonne à Gabriel Edanga. Que Dieu aussi me pardonne. Je pense à tous, demande messes et prières. Henri de Maupeou."

            Le meurtrier est arrêté. Henri interdit qu'on lui fasse du mal et demande à le revoir pour lui redire qu'il lui pardonnait de tout son cœur.

            En  pleine nuit, un camion le conduit à l'hôpital de Yaoundé. Un confrère est appelé d'urgence: "Père, je désire me confesser et recevoir l'extrême Onction". Et voyant le prêtre bouleversé :

"Pourquoi pleurez-vous?  J'ai la fin que je désirais: mourir pour la religion chrétienne que je suis venu prêcher ici. Je demande pardon à tous ceux auxquels j'aurais pu faire de la peine. J'offre volontiers ma vie pour le salut des âmes du Cameroun et particulièrement pour mon assassin"   Puis, peu après: " Pauvre maman! cher père! ... Ils ne pourront pas dire qu'il y ait un enfant qui les ait tant aimés ! Ecrivez-leur. Quel chagrin ils vont avoir! ... Au Ciel, je ne les oublierai pas."

Ses derniers jours se vivent en profonde intimité avec Marie": Elle est là, tout près. Elle prie pour moi." Pendant 5 semaines, il se laisse préparer par Elle à son ultime Pâques. D'autant plus qu'on est en plein Carême. Parlant de plus en plus difficilement, il ne cesse de sourire. A la stupeur des infirmiers, il vit la semaine Sainte, suivant heure par heure son Seigneur, dans l'attente de sa Pâques à lui. Comme son Maître, à son tour, maintenant "après avoir aimé les siens qui étaient dans le monde, de mettre le comble à son amour."

           Car, y a t-il de plus grand amour que de livrer sa vie même pour ses ennemis? Le mercredi de Pâques: " Le bon Dieu m'a donné tant de grâces. Il me demandera beaucoup...  Notre Seigneur se fait attendre..." Il avoue au Père de Fraguier qui le veille: "Je ne pense plus qu'au Bon Dieu". Il est déjà reconnaissant de remettre bientôt son âme dans les douces mains du Père. Il ne perd pas son humour. Prenant la main du frère menuisier, en souriant": Avez-vous fait le cercueil ? C'est vous qui m'y mettrez! Prenez ma mesure !"

           Sa flamme apostolique est toujours  vive : " Pourrez-vous finir les confessions ? Je voudrais aller vous aider."

20 avril: il est transporté à l'hôpital de Douala, mieux équipé... couché dans un wagon de première classe.

A 2 heures du matin, le 21, on appelle de Dr Keruzore. Une 1/2 heures plus tard, il entre dans la Joie de Dieu, suivant la belle expression de Thomas de Celano pour le Poverello.

Berger selon le Cœur de Dieu, il a donné sa vie pour une de ses brebis. Il s'est librement interposé pour protéger celle qui lui était confiée. Il a pris le coup mortel à elle destinée. Il  a protégé  et sa virginité et sa vie. C'était un jeudi, et c'est à nouveau un Jeudi qu'il vit sa mort comme on célèbre l'Eucharistie: en s'offrant lui-même, vivante oblation à la gloire du Père, pour la Joie de son Jésus, pour la fierté de toute l'Eglise.

          C'est la semaine de ce 4ème dimanche de Pâques, où l'Eglise latine fête le Bon Pasteur, le beau Berger. Le Berger courageux ( ainsi traduit en arménien).

Comme tant d'autres pasteurs d'hier et d'aujourd'hui, il a livré sa vie librement[1].

          N'est- ce pas parmi prêtres, et évêques que se trouve la plus forte proportion de martyrs. C'est normal. Ils sont en première ligne. Ils montent au créneau et se tiennent sur la brèche. Sentinelles du matin. Frappé le berger et se disperse le troupeau.

           

         Son "encièlement" fêté à Douala puis à Yaoundé est un véritable triomphe, avec des milliers de fidèles qui l'ont aimé, dont beaucoup de ses enfants spirituels. Mais son enfant le plus beau : Gabriel, son meurtrier! Il l'a engendré à la sainteté, dans son sang. L'aumônier de la prison ose dire: " C'est un nouveau Longin" nom traditionnel du Centurion ayant transpercé le Seigneur .            Il prie tous les jours, médite l'Evangile, et prie le rosaire entier. Il demande à sa femme de faire dire des messes pour sa victime, avec son argent personnel.

         Ainsi, la blessure faite par le péché devient source d'où jaillit le pardon et la sainteté du pécheur. La plaie faite par le mal, devient torrent intarissable d'Esprit Saint.  "Donne ton sang et reçois l'Esprit" Henri a donné son sang,  pour que nous recevions l'Esprit.. La passion des martyrs est la source de nos Pentecôtes. Sur cette terre Camerounaise, parfumée par son dévouement, arrosée de son sang, un printemps va fleurir. Une multitude de jeunes seront les enfants de son courage, de sa prière, de sa passion salvatrice.

       Comment ne pas en rendre grâces ? Comment ne pas en être fier, heureux, débordant de reconnaissance ? Comme Dieu lui-même !

 

Face aux injustices criantes: le cri du sang des Justes

 

         Les injustices qui ulcéraient ce jeune prêtre ne sont elles pas toujours actuelles ? Il y a, bien sûr, des petits et des pauvres toujours écrasés, méprisés, marginalisés que ce soit dans les latifundia d'Amérique latine , les plantations d'Afrique centrale ou les usines du Sud Est Asiatique. (Un des neveux d'Henri,  évêque dans le Nord-Est du Brésil. , n'hésitera pas à se coucher devant les bulldozers venant détruire une favela).

         Mais je pense tout spécialement aux pays islamiques où les chrétiens, citoyens de seconde zone (dhimmis-) sont soumis à l'impitoyable loi de la Charia. Cela en Afrique même.

          Comment ne pas évoquer ici le Nord Nigéria, où les adultères sont lapidées sans pitié, le Soudan où les enfants sont razziés et vendus aux enchères dans  soukhs et marchés des pays arabes. Où dans les misérables camps de réfugiés  même les  pauvres "maisons de prière" des chrétiens  sont rasées, pour faire place à des mosquées de béton Ceci devant la totale indifférence du monde.. Je pense au Pakistan où sur simple dénonciation d'un seul mot soi-disant négatif sur l'Islam entraîne la condamnation à mort pratiquement sans jugement (un évêque se suicidera pour crier ce scandale à la face du monde !) A l' Egypte, où une conversion au Christianisme entraîne  la mort de toute la famille. Les Coptes en savent quelque chose qui, viennent de donner à l'Eglise les premiers martyrs pour leur foi du XXème siècle . Sans parler de l'Indonésie, des Moluques,etc...

 

            Mais je pense aussi à notre société occidentale, minée par une idéologie ultra -libérale, virant au totalitarisme sournois.

            Là aussi, les chrétiens surtout les prêtres sont livrés en pâture dans ces tribunaux populaires à la Mao que deviennent les media anti- chrétiens. Même les évêques sont sommés de livrer à la vindicte de la populace, les documents confidentiels sur leurs prêtres, avant même toute enquête canonique. Les chrétiens -surtout les jeunes - sont sans cesse matraqués pour tomber dans le péché mortel. La pensée unique exclut tout acte de résistance, tout dissentiment, toute indépendance d'esprit, toute contestation du consensus, du politiquement correct.

Ne pas approuver le mariage homosexuel et l'adoption  sera  sous peu passible de prison. Garder la virginité pour Dieu, relèvera  des tribunaux; un Carmel ou une Abbaye sera dissoute comme secte ; la défense du plus fragile sera interdite; l'objection de conscience d'une infirmière refusant d'arracher la vie à son malade sera tournée en dérision, si ce n'est elle- même  qui sera  condamnée parce que troublant l'ordre public.

            Comment  se taire devant toutes ces atteintes, légalisées, au droit des baptisés à vivre leur foi et à en témoigner. Comment se taire devant l'embryon commercialisé (mon frère, ma sœur, en son extrême jeunesse!) , devant l'odieux esclavage sexuel international (800 000 de filles de l'Est chaque année trafiquées en Union Européenne), devant les jeunes sans cesse agressés par les incitations à touts les perversions sexuelles, d'enfants psychologiquement violés par le porno tous azimuts.:tout cela impunément, pire: bientôt légalement.

             Comment se taire lorsque  fiscalement, il est plus avantageux de vivre en concubinage ou de se pacser. Lorsque l'on peut divorcer simplement en accusant son mari d'attouchements sexuels sur son enfant; que l'on peut répudier unilatéralement......  quelle litanie ! Quelle régression en humanité!

             Comme au Cameroun du temps d'Henri, ce sont les pratiques païennes qui sont avalisées, cautionnées, protégées. Et la morale baptismale qui est rejetée, méprisée, bafouée, ridiculisée. Finalement: Dieu lui-même qui est oublié, torturé, renié. Mais là où Dieu est relégué au cimetière, l'homme se retrouve en enfer. Là où Dieu est exclu, l'homme est perdu .

 

            Que dirait Henri ici, aujourd'hui. Dans cette douce France, naguère  "Patrie des droits de l'homme" et "fille aînée de l'Eglise "... Que diraient Charles de Foucauld, le Père Lebbe, Mgr Romero ? Mais, comme pour Henri, parler ne sert plus de rien. La parole vraie est bâillonnée, ou plutôt noyée dans le bla-bla cacophonique. Les prophètes, on ne les écoute pas. On les livre en pâture à la vindicte populaire. Ils dérangent trop. ILs osent parler au nom de Dieu. Pour qui se prennent -ils ?  Alors ne reste qu'une parole, une ultime, qui  n'est plus qu'un long cri silencieux. Un cri que peut-être seul Dieu entendra. Un cri qui rejoindra  ceux de tous les opprimés de la terre. Un cri qui pourra être un temps bâillonné, mais que personne ne pourra étouffer à jamais: le cri du sang versé pour protéger l'amour. De la vie donnée pour sauver la vie. Comme pour ce jeune prêtre, intrépide chevalier de la beauté de l'amour: Henri de Maupeou, au cœur transpercé, voici 70 ans, à l'âge de 30 ans.

 

 

 

                                                                                       

                                                                                              Le 21 avril 2002

                                                                                              Dimanche du Bon Pasteur

 

           

 

 

 

 

 

[1]  Voir mon article:"Le berger signe sa parole de son sang", in  Revue "Disciples" , Communauté du Verbe de Vie

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Un chevalier de l'amour en sa beauté ou

Le cœur transpercé pour sauver une jeune fille:

 un martyre prophétique pour aujourd'hui

 

           

 

 

             Cette année, coïncidant avec les 300 ans des Pères Spiritains -voici  70 ans, le 21 avril (1932) un prêtre de 30 ans: Henri de Maupeou, missionnaire spiritain au Cameroun, donnait sa vie -transpercé par une lance - pour sauver une jeune fille de son agresseur.

            Il est béatifiable comme un véritable martyre depuis que Jean-Paul II a élargi la notion de martyre à ceux qui ont donné leur vie, pas uniquement et explicitement pour la personne du Christ, mais aussi pour des valeurs évangéliques, faisant partie intégrante de la suite du Christ Jésus. (charité, justice, pureté,etc..) Ainsi, a été canonisé comme martyr le P.Kolbe, (béatifié comme confesseur de la foi) et onze religieuses polonaises de Nazareth s'offrant aux Nazis pour prendre la place de parents . Ainsi, un Mgr Romero et bien d'autres, pourraient-ils l'être pour la cause de la justice... Le pape s'en est expliqué clairement.

            "Le martyre -dit-on traditionnellement- suppose chez les meurtriers "la haine de la foi": c'est à cause d'elle que les martyrs sont assassinés. Et c'est vrai. Cette haine de la foi peut toutefois se manifester objectivement de deux manières différentes: ou bien à cause de l'annonce même de la Parole de Dieu, ou bien à cause d'une certaine action morale qui a son principe et sa raison d'être dans la  foi.

            C'est toujours pour son témoignage de foi que le martyr est assassiné: dans le premier cas, pour un témoignage explicite et direct, dans le second cas pour un témoignage implicite et indirect, mais non moins réel et même, en un certain sens, plus complet du fait qu'il se réalise dans les fruits mêmes de la foi que sont les oeuvres de charité .

            Il en ressort  donc que les meurtriers prouvent leur haine de la foi (...) aussi quand cette violence s'acharne contre les oeuvres de charité en faveur du prochain, des oeuvres qui ont objectivement et réellement dans la foi leur justification et leur raison. Ils haïssent ce qui jaillit de la foi et démontrent leur haine de cette foi qui en est la source." (Jean -Paul II le 15 mai 83, lors de la béatification de Mgr Luigi Versiglia)

 

 

Une brûlante actualité

 

            Dans le domaine de la pureté, Jean-Paul II a ainsi béatifié dans le sillage de Maria Goretti dont nous fêtons le centenaire,  Anwarita,( Zaïre), Karolina Kotzka (Pologne), Pierrina Morosini, Antonina Messina et Teresa Braco (Turin 1945)

            Le martyr dans ce domaine de la chasteté est devenu terriblement actuel en Occident. Si, dans les pays d'Islam intégriste au pouvoir le martyre explicitement à cause  du Christ a pris le relais de la persécution communiste (encore qu'elle continue en Chine et Corée du Nord ) dans les pays à libéralisme moral avancé-virant au totalitarisme. De plus en plus de baptisés sont tués préférant la mort à la perte de leur virginité (Maria dos Santos, à Lourdes en 90, Santa Scorese à Bari en 91, et tant d'autres)

            Mais il y a aussi ceux qui donnent leur vie - au sens de se dépenser sans compter - pour sauver le mystère de la vie, pour protéger celui de l'amour, les deux étant insécablement liés. Et cela, au risque de cette forme non violente de martyr qu'est le fait d'être injustement accusés, soupçonnés des actes mêmes contre lesquels ils se battent et qu'ils réprouvent et condamnent. Ces innocents ont leur vie brisée définitivement, alors qu'ils avaient souvent un rayonnement extraordinaire sur les jeunes et les pauvres, dont ils étaient profondément aimés (L'un est mort de crise cardiaque - on veut maintenant béatifier ce martyre de la justice humaine), un autre, ses cheveux en ont complètement blanchi en une nuit) Ils sont mis en garde à vue, dans des conditions inhumaines, sur la moindre dénonciation, avant même l'ombre d'une enquête. Pour le cardinal Bernardin de Chicago, l'accusateur s'est rétracté après 9 mois, et a imploré son pardon .(voir mon article  sur ce grave problème dans France Catholique).

            Mais il ne faut pas exclure que certains devront aller jusqu'à verser leur sang pour cette cause vitale entre toutes à l'humanité. Des prêtres ont été tués par la mafia parce que s'y opposant courageusement.

            Pourquoi des proxénètes ne tueraient-ils pas ces prêtres et laïcs luttant de toutes leurs forces contre la prostitution organisée (800 000 esclaves sexuelles, commercialisées dans les pays de l'Union Européenne, "importées" chaque année d'Est-Europe) et surtout contre la plus ignoble des traites: celle des enfants. Le pire esclavage de tous les temps a lieu sous nos yeux peut-être effarés mais impuissants, si ce n'est indifférents...

            Tout cela pour souligner l'actualité du type de martyre qu'a illustré Henri de Maupeou. Serait-il donc prophétique pour aujourd'hui ?

 

            Son visage me demeure gravé depuis  qu'à l'âge de 10 ans, j'ai vu, dans sa maison familiale, celle de mes cousins, sa soutane ensanglantée et la sagaie qui lui a transpercé le cœur.

 

 

"Maman, je serai prêtre et missionnaire"

 

            Qui donc est Henri de Maupeou ? Il vient au monde le 4 février 1902 à Saumur où son père, lieutenant, suit les cours de cavalerie. Il est le troisième de 12 enfants.

            Ses études secondaires le conduisent successivement ( suivant les différentes garnisons) à l'Immaculée Conception de Laval, à saint François Xavier de Vannes, enfin à S. Stanislas de Nantes. En seconde dans une composition sur "mes rêves d'avenir", il n'a pas honte de glisser ces confidences, touchant à sa vie la plus intime:

            " J'ai toujours aimé Dieu et la France... Né au sein d'une famille profondément chrétienne, mes premiers mots furent: Jésus et Marie. Et  c'est vers Dieu, Jésus et Marie que furent dirigées mes plus lointaines pensées. De cette douce enfance, j'ai toujours gardé un souvenir paisible, et cette idée qui m'attirait vers un idéal  élevé m'a mené ensuite à la conclusion: je serai prêtre...

            Ce fut le jour de ma première communion que ces paroles sortirent d'elles-mêmes de mes lèvres tremblantes. On était en hiver. Il faisait froid, très froid et décembre nous avait ramené l'anniversaire de la nuit heureuse qui vit naître, il y a vingt siècles, le Rédempteur du monde. Il était tard: onze heures et demie venaient de sonner au lointain clocher de l'église de Notre Dame de Gray.

            Tout tremblant avant de recevoir pour la première fois le pain des forts, j'étais allé me jeter aux pieds de mes parents et implorer leur bénédiction. C'est alors que je leur fis part de cette vocation qui germait en moi. Je vis leurs yeux se remplir de larmes: leurs regards levés vers le ciel remerciaient Dieu, tandis que leurs mains s'abaissaient sur ma tête.

            Cette idée d'enfant n'est pas un caprice. Avec l'âge est arrivée la réflexion, et quand je descends en moi-même, je me revois disant dans un éclair de ferveur : "Maman, je serai prêtre!"

            Un autre sentiment se dispute pourtant mon cœur: la Patrie! J'ai bien rêvé souvent d'être un jour officier. Les brillants uniformes, le cliquetis des armes, le galop des chevaux, et la gloire aussi - je dois l'avouer- n'étaient pas pour me déplaire. Longtemps, je me suis vu passant des examens, franchissant les divers grades, et conquérant l'honneur  à la pointe de l'épée. Je voulais servir la France, la sauver, la venger, dussé-je perdre à son service une vie pourtant bien chère. Mon nom peut-être,, ne me paraissent pas moins conciliables. Sous la capote se cache la soutane; dans les héros de la guerre, on devine les prêtres. Que sont, en effet, tous ces prêtres - soldats, sinon des héros, humbles mais sublimes, du devoir ? Leur vie de sacrifice se termine par un acte d'abnégation suprême. Prêtre et soldat sera ma devise à moi aussi. Pour Dieu et pour la France !

 

 

            Je serai donc prêtre, d'abord pour servir Dieu, l'aimer mieux et  arriver plus droit au ciel. Et je servirai aussi la France, en soldat, en contribuant à la faire connaître et aimer jusque dans les pays lointains. JE SERAI MISSIONNAIRE !"

            Déjà, à 5 ans, n'avouait-il pas ": Je veux aller baptiser les petits Nègres"  -" Mais ils te mangeront!" lui rétorque une cousine   - " Eh bien ! J'irai voir le bon Jésus"

 

            Il a de qui tenir: un de ses oncles, jésuite, est préfet à Sainte Geneviève. Un autre, spiritain, est missionnaire à Madagascar. Sans parler des générations précédentes (des Maupeou sont évêques de Chalon ( et confirme la petite Marguerite Marie), d'Auch, et de Castres.  Parmi ses propres frères - comme si la vocation était contagieuse - 2 de ses frères deviendront prêtres du diocèse du Mans: Michel et Jean, qui sera martyr à Mathausen Plusieurs de ses  petits-neveux sont prêtres, dont Xavier évêque dans le Nord Est du Brésil, sa petite sœur Anne est toujours en sa phase terrestre d'existence.

            Tels sont les beaux fruits vocationnels d'un  milieu familial profondément baptismal, où l'on prie chaque soir ensemble, où Dieu fait partie de la vie de tous les jours, où l'on respire l'Esprit Saint, le plus naturellement du monde, comme cela se voit toujours dans quelques belles familles  nombreuses que j'ai la grâce d'aimer et d'admirer.

            Ce qui le marque le plus: "la mutuelle tendresse de ses parents"

            Il l'avouera dans une lettre de Rome à sa maman: " Ce qui m'a le plus impressionné en vous et papa, c'est d'abord votre union parfaite, qui de vous deux ne fait qu'un "

            Un mot d'un petit capucin, grimpé sur un tabouret dans la chaire, prêchant à Vannes , l'avait percuté": On suit une vocation comme les rois mages ont suivi leur étoile. On peut la perdre de vue un moment, mais elle reparaît et on se rapproche  du but "

 

            Cet appel des profondeurs ne l'empêche pas d'être un ado, puis un beau jeune homme, remuant, espiègle parfois, drôle souvent, gai toujours. Boute- en- train comme pas deux, il déborde de juvénile vitalité, vivant à du 300 à l'heure, geyser d'idées amusantes ou géniales. Généreux, dévoué, s'épanouissant en se donnant. Un jour, il offre le sacrifice de son bac, pour que son frère (moins doué) le réussisse. Exaucé, il n'est admis qu'à la session suivante. Séminariste, il passera 2 mois, de vacances à soigner à l'hôpital, son frère aîné, victime d'une chute de cheval.

 

Rome-Yaoundé: la passionnante  aventure

 

            1920: Séminaire français de Rome, cours à la prestigieuse Grégorienne dont il sort docteur en philosophie. Passionnante vie romaine! Fan de foot à la villa Pamphili, pèlerin infatigable des lieux saints. Inconditionnel du Saint Père (il pleure en apprenant la maladie de Benoît XV), son amour de l'Eglise s'y enracine à travers 2000 ans d'histoire non -stop.

            Marqué par les Catacombes, il confie, en proposant à sa famille le sacrifice d'espacer la correspondance   " Si vous saviez ce que l'exemple de tous les saints qui nous entourent ici peut influencer nos actes! Comme on est lâche et sans foi à côté de tous ces martyrs!" (7 02 20).

            Un an plus tôt, il aurait pu croiser, priant au Colisée, un jeune franciscain au visage émacié mais toujours souriant, venu de sa lointaine Pologne: un certain Maximilien Kolbe qui un jour, lui aussi livrera sa vie pour en sauver une autre ?

Après Rome: service militaire qu'il accomplit avec d'autant plus de joie qu'il avait aussi rêvé d'être soldat et de donner sa vie pour la France.

           25 septembre 1924:  pèlerinage dans la Patrie de Dieu, cette terre sainte où l'Evangile se fait visible, tangible. Entrée au séminaire des Pères du Saint Esprit à Orly, suivi du scolasticat à Chevilly .

           28 octobre 1927: joie de partager le propre Sacerdoce de Jésus. Dans son homélie de première messe à Versailles, je glane ce mot ": Priez afin que je ne répande pas en vain le sang du Christ, mais que, par mon ministère, il fasse germer des moissons d'âmes pour le ciel éternel" Son visage s'en illumine de joie.

           8 juillet 1928 : acte de consécration à l'apostolat : "Aux jours de mon enfance et de ma jeunesse, Vous m'avez appelé, ô Jésus. J'ai distingué Votre regard, j'ai entendu Votre voix: me voici! Avec vous, Seigneur Jésus, j'irai en toute contrée où, par la voix de mes supérieurs, vous m'enverrez. Avec Vous, je travaillerai, avec Vous, je mourrai. Adieu donc, ô mon pays; .. Amis d'enfance, parents aimés, adieu !"

 

 

 

          Puis,, il se consacre tout spécialement à l'Esprit, et se confie avec tendresse à Marie: "C'est à vous que j'irai"

11 septembre 1928 : avec 10 frères il s'embarque pour le Cameroun. Sur le quai de Bordeaux, il embrasse les siens une dernière fois. Et peu à peu, voit s'éloigner puis disparaître derrière l'horizon, sa douce terre de France qu'il ne reverra plus.

Ainsi  s'insère t-il dans la longue lignée de ces jeunes missionnaires qui, surtout depuis 3 siècles, ont tout quitté de ce qu'il aimaient pour porter la Lumière du Royaume  jusqu'au bout du monde. Et leurs chers parents étaient intimement associés à ce sacrifice. Qui pense à eux, qui ont offert leurs fils, leurs filles pour que la Parole de Dieu retentisse dans toutes les langues du monde ? 12 embarquaient à   Marseille ou Bordeaux, il en arrivait souvent que 6 ou 8. Et sur ceux-là, la moitié mourait au cours des premières années là-bas, dont bon nombre, tués pour leur Foi. Surtout en Extrême Orient. Que l'on visite les musées des martyrs Lazaristes ou Spiritains, pour en être saisis ! En partant, ils savaient très bien ce qui les attendait, et ils partaient tout de même ! A l'époque d'Henri, et en Afrique, c'était déjà moins dangereux. Mais on partait malgré tout pour toujours, sans aucun espoir de retour. (Pas question de congés tous les  3 ans, Aller-Retour en Boeing!  Je pense aux adieux déchirants à sa famille du bienheureux Maurice Tornay, jeune valaisan , chanoine du saint Bernard, partant en 36 au Tibet où il sera massacré en 47. Henri se sent de la race des Gabriel Perboyre, Théophane Vénard. Il est prêt à livrer sa Vie aussi bien au jour le jour, que d'un seul coup. D'un seul coup... de lance !

           

 Afrique amoureusement épousée !

 

          De Douala - une étuve! - il grimpe  pendant 12 heures par voie ferrée jusqu'au plateau de Yaoundé, centre du vicariat apostolique des Spiritains. Le voilà nommé professeur de dogme au séminaire. Sa simplicité attire spontanément la confiance des jeunes." On se sentait devant un frère plutôt qu'un Père... A la façon dont il vous traitait, on se serait cru avec un égal, un frère, un ami. Il semblait oublier qu'il était blanc. Tous  nous l'aimons, car il nous a tous aimés, " avouera un de ses17 séminaristes, Tobie Atanga.

         De l'énergie à revendre! Entre 2 cours, il se défoule, machette en main dans le débroussaillage de la propriété, y entraînant les moins motivés. Non et non, le travail manuel n'est pas une honte mais un privilège, un honneur. Mais ce qui le dévore: sa passion apostolique. Evangéliser! Annoncer le Christ à ceux qui n'ont pas le bonheur de le connaître. En un mot: faire aimer l'Amour si peu, si mal aimé!

          Il profite de chaque temps libre et surtout des vacances pour s'échapper. Maîtrisant rapidement l'Ewondo, il se dépense sans compter à confesser, visiter les malades, préparer les catéchumènes... Dans un périmètre de 12 km, 6 villages lui sont confiés. Il  y fait de constantes navettes. Quelques flashs dans une lettre à son supérieur général :

"Arrivé vers 4 heures du soir à Nkolanga - en moto- je prends tout juste le temps de me laver les mains; puis deux extrêmes onctions à des malades qui n'attendaient que les derniers sacrements pour mourir. Puis, prise de contact avec mes directeurs-catéchistes pour la révision des livres du Status séminarum; Puis deux heures  de confession, et, sans traîner, car mon petit bagage d'éwondo ne me permet de dire que le strict nécessaire. Puis, dîner suivi de quelques palabres plus ou moins aigus.                Multipliez par six, et vous aurez une idée de mon travail accessoire...

Vous comprendrez facilement, après cela, que la joie ressentie au jour de la Consécration persiste et devient chronique."

Décidément, le terrain du séminaire, c'est trop étroit ! Il lui faut de vastes horizons. De l'espace! Un espace  vital , le grand large, quoi!

        Harassantes les semaines saintes: 13 heures d'affilée de confession  pour 1600 pénitents dans un seul village. La chrétienté camerounaise est à ce moment en plein boum. Véritable déferlante ! Tourbillon apostolique ! Devant tant d'urgences pour le Royaume, l'enseignement lui pèse. A son supérieur": Il va falloir reprendre les cours, et c'est là mon cauchemar. Mgr Vogt m'a dit qu'il est permis et conseillé de parler à ses supérieurs de ses goûts et aptitudes. Eh bien ! voici, pour moi, en ce qui concerne l'enseignement; goûts nuls, aptitudes nulle.

            Voilà, Monseigneur, ma pensée toute claire. Je ne cesserai cependant de vous être très reconnaissant de m'avoir envoyé au Cameroun; mais, être au centre du combat, et dans une cage !"

 

 

S'épuiser à faire aimer l'Amour

 

             Enfin libéré, il peut s'en donner à cœur joie dans un district de 10 000  catholiques et 5 000 catéchumènes qui lui est confié. Il a 28 ans. Il va déployer sa fougue apostolique au maximum.

            Il  se dépense sans compter à leur service, toujours sur les pistes -quelque temps qu'il fasse.. Il parcourt des centaines de km à cheval, en moto, à vélo, à pied. Rien ne l'arrête. Pas un obstacle qu'il ne fasse sauter, ou qu'il ne contourne. Peu importe que le soir, il trouve  gîte et vivres ! Il vit en petit pauvre dans l'esprit de ce François qu'il avait rencontré en Ombrie, marchant sur ses traces, de Rieti à Assise. Un soir, à l'étape, il n'y a qu'une couverture, et les nuits sont fraîches. Au séminariste qui lui offre des draps, il rétorque fièrement: " Moi, je n'ai pas été gâté par les raffinements de la civilisation"

            Encore un flash:

             Le jour même de Noël, il dit 3 messes, dont deux chantées, celle de minuit et celle du jour. Il prêcha autant de fois. Après la troisième messe, et toujours à jeun, il baptisa et régla les palabres comme d'habitude. Juste le saint jour de Noël, le cuisinier oublia de préparer le repas. On sut se contenter d'un bout de pain durci  et d'un peu d'huile d'arachides. Durant les huit jours que nous y passâmes, malgré sa grande fatigue, le Père restait toujours affable et doux."  (Tobie Atangana)

            L'amour n'est-ce pas  tout donner, et surtout se donner soi même? Sans calculer. Sans murmurer. Sans lésiner.

 

            Devant l'enfant méprisé, la femme vendue, le pauvre écrasé: comment se taire ?

            Ce qui le bouleverse plus que tout: la polygamie, la traite des femmes, l'exploitation des enfants. Insupportable! Les plus petits, les plus faibles, les plus fragiles- donc les préférés de son Seigneur- sont victimes innocentes des grands et des forts. L'injustice des chefs locaux, l'orgueil et la dureté des hommes le révoltent. A cela s'ajoutent certains procédés de l'Administration coloniale française qu'il ne peut admettre. Sous prétexte de neutralité et de laïcité, elle ignore les Missions catholiques, et -plus grave- refuse de reconnaître le mariage chrétien, la famille chrétienne. Par contre, deux statuts sont officiellement reconnus: celui des musulmans, permettant 4 femmes légitimes et des concubines en veux-tu, en voilà. Et le statut fétichiste accordant des femmes en nombre illimité, femmes littéralement achetées au chef de famille. Toute petite, la fille est mise en adjucation et vendue à qui offre le meilleur prix. La fillette aux enchères, quoi! Résultat: seuls les riches peuvent se payer des harems, et les jeunes gens sans fric  restent célibataires, jusqu'à la mort de leurs pères : ils héritent alors poules, chèvres et...  femmes. Par ailleurs, ces polygames croulants aux nombreuses maladies vénériennes contaminent les femmes, n'ont guère d'enfants...  Bref, c'est l'exploitation de la femme, frisant l'esclavage domestique. Et c'est ce statut que l'Administration cautionne, alors qu'il ignore purement et simplement, même dans les régions où les chrétiens sont majoritaires, le mariage monogame, le mariage chrétien et donc la famille qui a été le berceau de la civilisation occidentale dont ces messieurs se targuent. Les chrétiens sont donc jugés d'après des coutumes fétichistes, qu'ils ont pourtant répudiées courageusement pour choisir le Christ. Inadmissible !

            "Ainsi qu'un chrétien, infidèle à son devoir, acquiert une ou plusieurs concubines, malgré les plaintes de sa femme légitime, il en a le droit: ainsi le veut la coutume. Qu'une chrétienne, mariée légitimement, soit débauchée par un étranger qui en donne à la famille un prix supérieur à celui qu'a pu verser le mari, elle doit suivre son nouveau propriétaire: ainsi le veut la coutume. Qu'une chrétienne soit acquise par un musulman ou un polygame, avec son consentement ou malgré elle, elle doit le suivre: ainsi le veut la coutume. Qu'une chrétienne, devienne veuve, elle passe à l'héritier du de cujus, fût-il païen, polygame ou musulman: ainsi le veut la coutume"

 

            Mais comment se taire devant d'aussi flagrantes injustices ? Comment se taire quand le plus faible est ainsi écrasé? Comment se taire devant tant d'enfants abandonnés, tant de jeunes quotidiennement commercialisés ? Tant de filles légalement violées ? Devant tant de lâchetés et d'hypocrisie de la part des caïds qui se voilent les yeux ou approuvent tacitement. Devant la mesquinerie de certains fonctionnaires qui  par anticléricalisme franco- français semblent contents de contrer ainsi les chrétiens, eux dont les racines culturelles sont bel et bien chrétiennes !

            Il ne peut s'empêcher de dire ce qu'il en pense. C'est plus fort que lui. Cela lui vaut des rappels à la prudence et à la modération, pour ne pas attirer d'ennuis au clergé.

            Le 7 septembre 31, fièrement, il répond à son supérieur général:

            " Oui, on me reproche d'être combatif, voire parfois agressif... Il ne fallait pas, alors, me donner une éducation chrétienne, il ne fallait pas m'enseigner des principes que je ne devrais pas appliquer! On fait tout ce qu'on peut pour nous nuire, et l'on trouve mauvais que nous réclamions! Sans doute, je connais l'histoire du pot de fer et du pot de terre; mais c'est avec ces craintes et ces concessions perpétuelles qu'on se laisse manger petit à petit.

            Je reconnais pourtant que j'ai pu manquer de prudence et que je n'ai pas toujours pu retenir ma langue: j'ai tort.

            Mais, vraiment, mes adversaires exagèrent. Pas plus tard qu'hier, une femme chrétienne, mariée à l'église depuis un an et demi, et dont le mariage a été préalablement inscrit à l'état civil, est réclamée par un chrétien comme lui appartenant, un chrétien légitimement marié, lui aussi, mais ayant répudié sa légitime. Eh bien ! Une simple déclaration d'un administrateur, mais faite devant un assesseur indigène, règle et stipule que "tous les partis étant d'accord" - a t-on seulement consulté la femme ? - celle ci est livrée à l'individu qui la réclame!

            Et tous les jours c'est la même rengaine. "On m'a volé "une poule, une chèvre, un panier d'arachide. - Qui ça ? - Le chef. - Pourquoi ? - Pour payer l'impôt." Certes, il faut payer l'impôt, et je suis bien loin de m'y opposer; mais pas avec le bien des autres ! -On m'a battu, on m'a blessé, on m'a séquestré. Qui ça ? - le chef. On m'a pris ma femme pour l'envoyer au travail dans les champs du chef... On lui a pris tous ses habits pour qu'elle ne se sauve pas...  On l'a donnée à un "police" pour la nuit; .. On lui a administré un lavement au piment...

            Et si, comme ces pauvres gens me le demandent, je porte ces plaintes à l'Administration: "Monsieur, je ne puis admettre votre témoignage, vous êtes trop intéressé dans l'affaire" Ou en d'autres termes: "Mêlez -vous de ce qui vous regarde.." Ou encore: " Pas d'ingérence cléricale !" Ne voyez pas cependant d'acrimonie dans mes réflexions. Je garde un excellent moral, et un optimisme à toute épreuve, mais enfin, je ne puis pas ne pas voir ce que je vois - et je le dis."

 

             Son écœurement  devant tant d'injustice criante rejoint celui de Charles de Foucauld au Sahara, 20 ans plus tôt:

            "Le gouvernement temporel commet une grave injustice contre ceux dont nous sommes dans une certaine mesure chargés (je suis le seul prêtre de la préfecture à trois cent kilomètres à la ronde), il faut le dire, car c'est nous qui représentons sur terre la justice et la vérité, et nous n'avons pas le droit d'être des "sentinelles endormies", des "chiens muets", des "pasteurs indifférents"

            Ou ceux de l'intrépide Père Lebbe durant les années 30:

            "Je mourrais bien content plutôt que de vivre  veulement , neutre, n'osant appeler le bien et le mal de leur nom, et ne jetant pas tout mon sang du côté des opprimés, ne fût-ce que pour manifester - dussé-je être seul au monde- l'indignation chrétienne contre le démon de l'impérialisme. Non, je ne serai jamais un "chien muet incapable d'aboyer!

            Faut-il que seuls restent dans leur fauteuil ou leur prie-Dieu de velours  rouge les disciples du maître des huit Béatitudes, et des huit "malheurs"?"

                                                           L'ultime cri

            Mais ce qu'il ne peut clamer publiquement, il va le crier, le crier  d'un seul cri,d'un unique coup. Tout de go: le cri de son sang. C'est son sang qui va en même temps sceller sa parole, et en même temps  signer sa vie . Toute sa vie va se ramasser  dans un grand cri silencieux, celui de son Cœur transpercé. Ce sera sa parole ultime, comme pour son Seigneur. Ce Jésus dont le côté ouvert est l'ultime parole, celle qui authentifie toutes les autres, celle qui crie plus fort que toutes les autres. Celle pour laquelle il ne faudra ni commentaire, ni traduction. Celle qui se résume à un seul geste, atteignant son cœur, pour toucher tous les cœurs.

            Effectivement, c'est cette situation de fait qui va entraîner son martyre.

            Dimanche 6 mars 1932, Henri passe la nuit à Akonolinga. Lundi 7, il reçoit la plainte d'une catholique, mariée à un certain Gabriel Edanga, catholique vivant mal. Celui-ci a acheté une jeune gille pour son frère, mais il la garde pour lui, la battant souvent. Henri l'envoie chercher. L'homme refuse, mais sa femme et la fille en question répondent à l'invitation. La fille ": Je veux être baptisée " . " Cet homme est lui-même marié à l'église: je ne puis vivre avec lui ". Elle demande à être accueillie au "Sixa", l'œuvre des Fiancés, à Mfumasi.Henri l'y accueille et l'assure qu'elle est maintenant libre. Elle affirme à nouveau sa volonté de se préparer au baptême.

            Le jeudi 10, vers 20h30, Henri entend des cris venant du Sixa (à 200m de chez lui). On court l'avertir,  qu'un homme armé de 2 sagaies, d'un coupe-coupe et d'un couteau veut y tuer toutes les femmes. Henri saisit un bâton qu'ensuite il jette, peur de s'en servir, et se précipite. L'homme  a déjà agressé la fille de 2 coups de couteaux. Henri l'interpelle: " Si tu as une réclamation à faire, c'est à moi qu'il faut  s'adresser, et si tu veux tuer quelqu'un..."  Sans pouvoir achever, l'homme fonce d'un bond sur lui, et lui lance en pleine poitrine, du côté gauche, une sagaie. Le coup est d'une telle violence, que la petite lance le traverse de part en part. Henri tombe  à la renverse. Le meurtrier soudain calmé tombe à genoux devant lui ": Oh Père! Pardonne-moi, j'ai agi comme un fou !" "Oui; oui, je te pardonne!" Et de lui donner sa bénédiction.

            On le porte dans sa case. Il envoie 2 hommes chercher du secours et griffonne sur un bout de papier: " Mfumasi.10 3 32. Ceci est mon testament. Je meurs prêtre catholique. Je pardonne à Gabriel Edanga. Que Dieu aussi me pardonne. Je pense à tous, demande messes et prières. Henri de Maupeou."

            Le meurtrier est arrêté. Henri interdit qu'on lui fasse du mal et demande à le revoir pour lui redire qu'il lui pardonnait de tout son cœur.

            En  pleine nuit, un camion le conduit à l'hôpital de Yaoundé. Un confrère est appelé d'urgence: "Père, je désire me confesser et recevoir l'extrême Onction". Et voyant le prêtre bouleversé :

"Pourquoi pleurez-vous?  J'ai la fin que je désirais: mourir pour la religion chrétienne que je suis venu prêcher ici. Je demande pardon à tous ceux auxquels j'aurais pu faire de la peine. J'offre volontiers ma vie pour le salut des âmes du Cameroun et particulièrement pour mon assassin"   Puis, peu après: " Pauvre maman! cher père! ... Ils ne pourront pas dire qu'il y ait un enfant qui les ait tant aimés ! Ecrivez-leur. Quel chagrin ils vont avoir! ... Au Ciel, je ne les oublierai pas."

Ses derniers jours se vivent en profonde intimité avec Marie": Elle est là, tout près. Elle prie pour moi." Pendant 5 semaines, il se laisse préparer par Elle à son ultime Pâques. D'autant plus qu'on est en plein Carême. Parlant de plus en plus difficilement, il ne cesse de sourire. A la stupeur des infirmiers, il vit la semaine Sainte, suivant heure par heure son Seigneur, dans l'attente de sa Pâques à lui. Comme son Maître, à son tour, maintenant "après avoir aimé les siens qui étaient dans le monde, de mettre le comble à son amour."

           Car, y a t-il de plus grand amour que de livrer sa vie même pour ses ennemis? Le mercredi de Pâques: " Le bon Dieu m'a donné tant de grâces. Il me demandera beaucoup...  Notre Seigneur se fait attendre..." Il avoue au Père de Fraguier qui le veille: "Je ne pense plus qu'au Bon Dieu". Il est déjà reconnaissant de remettre bientôt son âme dans les douces mains du Père. Il ne perd pas son humour. Prenant la main du frère menuisier, en souriant": Avez-vous fait le cercueil ? C'est vous qui m'y mettrez! Prenez ma mesure !"

           Sa flamme apostolique est toujours  vive : " Pourrez-vous finir les confessions ? Je voudrais aller vous aider."

20 avril: il est transporté à l'hôpital de Douala, mieux équipé... couché dans un wagon de première classe.

A 2 heures du matin, le 21, on appelle de Dr Keruzore. Une 1/2 heures plus tard, il entre dans la Joie de Dieu, suivant la belle expression de Thomas de Celano pour le Poverello.

Berger selon le Cœur de Dieu, il a donné sa vie pour une de ses brebis. Il s'est librement interposé pour protéger celle qui lui était confiée. Il a pris le coup mortel à elle destinée. Il  a protégé  et sa virginité et sa vie. C'était un jeudi, et c'est à nouveau un Jeudi qu'il vit sa mort comme on célèbre l'Eucharistie: en s'offrant lui-même, vivante oblation à la gloire du Père, pour la Joie de son Jésus, pour la fierté de toute l'Eglise.

          C'est la semaine de ce 4ème dimanche de Pâques, où l'Eglise latine fête le Bon Pasteur, le beau Berger. Le Berger courageux ( ainsi traduit en arménien).

Comme tant d'autres pasteurs d'hier et d'aujourd'hui, il a livré sa vie librement[1].

          N'est- ce pas parmi prêtres, et évêques que se trouve la plus forte proportion de martyrs. C'est normal. Ils sont en première ligne. Ils montent au créneau et se tiennent sur la brèche. Sentinelles du matin. Frappé le berger et se disperse le troupeau.

           

         Son "encièlement" fêté à Douala puis à Yaoundé est un véritable triomphe, avec des milliers de fidèles qui l'ont aimé, dont beaucoup de ses enfants spirituels. Mais son enfant le plus beau : Gabriel, son meurtrier! Il l'a engendré à la sainteté, dans son sang. L'aumônier de la prison ose dire: " C'est un nouveau Longin" nom traditionnel du Centurion ayant transpercé le Seigneur .            Il prie tous les jours, médite l'Evangile, et prie le rosaire entier. Il demande à sa femme de faire dire des messes pour sa victime, avec son argent personnel.

         Ainsi, la blessure faite par le péché devient source d'où jaillit le pardon et la sainteté du pécheur. La plaie faite par le mal, devient torrent intarissable d'Esprit Saint.  "Donne ton sang et reçois l'Esprit" Henri a donné son sang,  pour que nous recevions l'Esprit.. La passion des martyrs est la source de nos Pentecôtes. Sur cette terre Camerounaise, parfumée par son dévouement, arrosée de son sang, un printemps va fleurir. Une multitude de jeunes seront les enfants de son courage, de sa prière, de sa passion salvatrice.

       Comment ne pas en rendre grâces ? Comment ne pas en être fier, heureux, débordant de reconnaissance ? Comme Dieu lui-même !

 

Face aux injustices criantes: le cri du sang des Justes

 

         Les injustices qui ulcéraient ce jeune prêtre ne sont elles pas toujours actuelles ? Il y a, bien sûr, des petits et des pauvres toujours écrasés, méprisés, marginalisés que ce soit dans les latifundia d'Amérique latine , les plantations d'Afrique centrale ou les usines du Sud Est Asiatique. (Un des neveux d'Henri,  évêque dans le Nord-Est du Brésil. , n'hésitera pas à se coucher devant les bulldozers venant détruire une favela).

         Mais je pense tout spécialement aux pays islamiques où les chrétiens, citoyens de seconde zone (dhimmis-) sont soumis à l'impitoyable loi de la Charia. Cela en Afrique même.

          Comment ne pas évoquer ici le Nord Nigéria, où les adultères sont lapidées sans pitié, le Soudan où les enfants sont razziés et vendus aux enchères dans  soukhs et marchés des pays arabes. Où dans les misérables camps de réfugiés  même les  pauvres "maisons de prière" des chrétiens  sont rasées, pour faire place à des mosquées de béton Ceci devant la totale indifférence du monde.. Je pense au Pakistan où sur simple dénonciation d'un seul mot soi-disant négatif sur l'Islam entraîne la condamnation à mort pratiquement sans jugement (un évêque se suicidera pour crier ce scandale à la face du monde !) A l' Egypte, où une conversion au Christianisme entraîne  la mort de toute la famille. Les Coptes en savent quelque chose qui, viennent de donner à l'Eglise les premiers martyrs pour leur foi du XXème siècle . Sans parler de l'Indonésie, des Moluques,etc...

 

            Mais je pense aussi à notre société occidentale, minée par une idéologie ultra -libérale, virant au totalitarisme sournois.

            Là aussi, les chrétiens surtout les prêtres sont livrés en pâture dans ces tribunaux populaires à la Mao que deviennent les media anti- chrétiens. Même les évêques sont sommés de livrer à la vindicte de la populace, les documents confidentiels sur leurs prêtres, avant même toute enquête canonique. Les chrétiens -surtout les jeunes - sont sans cesse matraqués pour tomber dans le péché mortel. La pensée unique exclut tout acte de résistance, tout dissentiment, toute indépendance d'esprit, toute contestation du consensus, du politiquement correct.

Ne pas approuver le mariage homosexuel et l'adoption  sera  sous peu passible de prison. Garder la virginité pour Dieu, relèvera  des tribunaux; un Carmel ou une Abbaye sera dissoute comme secte ; la défense du plus fragile sera interdite; l'objection de conscience d'une infirmière refusant d'arracher la vie à son malade sera tournée en dérision, si ce n'est elle- même  qui sera  condamnée parce que troublant l'ordre public.

            Comment  se taire devant toutes ces atteintes, légalisées, au droit des baptisés à vivre leur foi et à en témoigner. Comment se taire devant l'embryon commercialisé (mon frère, ma sœur, en son extrême jeunesse!) , devant l'odieux esclavage sexuel international (800 000 de filles de l'Est chaque année trafiquées en Union Européenne), devant les jeunes sans cesse agressés par les incitations à touts les perversions sexuelles, d'enfants psychologiquement violés par le porno tous azimuts.:tout cela impunément, pire: bientôt légalement.

             Comment se taire lorsque  fiscalement, il est plus avantageux de vivre en concubinage ou de se pacser. Lorsque l'on peut divorcer simplement en accusant son mari d'attouchements sexuels sur son enfant; que l'on peut répudier unilatéralement......  quelle litanie ! Quelle régression en humanité!

             Comme au Cameroun du temps d'Henri, ce sont les pratiques païennes qui sont avalisées, cautionnées, protégées. Et la morale baptismale qui est rejetée, méprisée, bafouée, ridiculisée. Finalement: Dieu lui-même qui est oublié, torturé, renié. Mais là où Dieu est relégué au cimetière, l'homme se retrouve en enfer. Là où Dieu est exclu, l'homme est perdu .

 

            Que dirait Henri ici, aujourd'hui. Dans cette douce France, naguère  "Patrie des droits de l'homme" et "fille aînée de l'Eglise "... Que diraient Charles de Foucauld, le Père Lebbe, Mgr Romero ? Mais, comme pour Henri, parler ne sert plus de rien. La parole vraie est bâillonnée, ou plutôt noyée dans le bla-bla cacophonique. Les prophètes, on ne les écoute pas. On les livre en pâture à la vindicte populaire. Ils dérangent trop. ILs osent parler au nom de Dieu. Pour qui se prennent -ils ?  Alors ne reste qu'une parole, une ultime, qui  n'est plus qu'un long cri silencieux. Un cri que peut-être seul Dieu entendra. Un cri qui rejoindra  ceux de tous les opprimés de la terre. Un cri qui pourra être un temps bâillonné, mais que personne ne pourra étouffer à jamais: le cri du sang versé pour protéger l'amour. De la vie donnée pour sauver la vie. Comme pour ce jeune prêtre, intrépide chevalier de la beauté de l'amour: Henri de Maupeou, au cœur transpercé, voici 70 ans, à l'âge de 30 ans.

 

 

[1]  Voir mon article:"Le berger signe sa parole de son sang", in  Revue "Disciples" , Communauté du Verbe de Vie

                                                                                       

                                                                                              Le 21 avril 2002

                                                                                              Dimanche du Bon Pasteur 

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