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6 Juin  -  un événement prophétique : la béatification d’un autre J-P  polonais :

Jerzy Popieluszko, ou : le courage de la Vérité, au prix du sang.[1]

 

              Orléans. Mardi 29 oct. 1984. Plusieurs centaines de jeunes veillent toute la nuit dans la cathédrale, en adorant et se confessant. Après sa confession, chaque jeune reçoit un lumignon  rouge allumé et le dépose sur une gigantesque croix toute illuminée, à la stupeur des passants. Le lendemain, 30, je leur donne un enseignement sur les martyrs contemporains dans les pays si proches du «  bloc Est » de notre Europe, que Jean-Paul II ne cessait d’évoquer.

 

             Vers la fin, on me glisse un billet : «  la radio vient d’annoncer l’assassinat du P. Popieluszko ». Disparu depuis 10 jours, nous avions offert notre veillée spécialement pour lui et je venais de le citer longuement. J’annonce donc la terrible nouvelle. Comme un seul homme, les voilà tous debout, chantant l’hymne pascale (sur la mélodie de Haendel adaptée par A. Gouzes). Spontanément, ils vont déposer leurs palmes (Nous avions comme  thème de l’entrée de Jésus à Jérusalem) au pied de la grande croix verticale sur le parvis, formant une seconde croix horizontale, sur le modèle de ces grandes croix  de fleurs piquetées de bougies, autour desquelles les  Polonais se rassemblaient en chantant, veillant sur elles. Ces croix fleuries et lumineuses étaient les seuls moyens de s’exprimer de tout un peuple qui tombe à genoux quand on le frappe. Ce qu’on vient de revoir après la seconde tragédie de Katyn. De tout cela,  j’avais été le témoin ému, en mai puis en nov 81 où je l’avais sans doute rencontré à la paroisse universitaire S.Anne où il était aumônier des services médicaux.

 

             Cette béatification tant attendue, 25 ans  après son martyre, prend une actualité saisissante. Il a été, en Pologne, la dernière victime violemment assassinée par le régime totalitaire du communisme. Or, nous voilà ici, non plus simplement menacé, mais déjà terrorisé par une idéologie anti-chrétienne virant au totalitarisme :   

 

            « L'époque moderne a parlé de la libération de l'homme, de sa pleine autonomie, et donc également de sa                          libération de l'obéissance à Dieu. L'obéissance ne devrait plus exister, l'homme est libre, il est autonome: rien                    d'autre. Mais cette autonomie est un mensonge: c’est un mensonge ontologique, car l'homme n'existe pas par lui-              même et pour lui-même, et c'est également un mensonge politique et pratique, car la collaboration, le partage de              la liberté est nécessaire. Et si Dieu n'existe pas, si Dieu n'est pas une instance accessible à l'homme, il ne reste                  comme instance suprême que le consensus de la majorité qui devient le dernier mot auquel nous devons obéir. Et              ce consensus - nous le savons depuis l'histoire du siècle dernier - peut également être un "consensus du mal".  La              soi-disant autonomie ne libère pas véritablement l'homme. L'obéissance à Dieu est la liberté, car elle est la vérité,              elle est l'instance qui nous place face à toutes les instances humaines. (Dans l'histoire de l'humanité, ces paroles                de Pierre et de Socrate sont le véritable phare de la libération de l'homme, qui sait voir Dieu et, au nom de Dieu,                peut et doit obéir non pas tant aux hommes, mais à Lui, et se libérer ainsi du positivisme de  l'obéissance                          humaine).            

             Les dictatures ont toujours été contre cette obéissance à Dieu. La dictature nazie, comme la dictature marxiste,                  ne  peuvent pas accepter un Dieu qui soit au-dessus du pouvoir idéologique; et la liberté des martyrs, qui                            reconnaissent    Dieu, précisément dans l'obéissance au pouvoir divin, est toujours l'acte de libération à travers                  lequel nous parvient la liberté du Christ.  Aujourd'hui, (grâce à Dieu, nous ne vivons pas sous une dictature, mais)              il existe des formes subtiles de dictatures:  un conformisme qui devient obligatoire, penser comme tout le monde,              agir comme tout le monde, et les agressions subtiles contre l'Eglise, ainsi que celles plus ouvertes, démontrent                  que ce conformisme peut réellement être une véritable dictature. »[1]

 

           Revenons au Père Popieluszko. Le beau courage qui va le caractériser se manifeste déjà jeunes et spécialement pendant ce service militaire – il a 19 ans- où les séminaristes doivent subir toutes sortes de brimades et punitions gratuites. Sachant les punitions risquées, il refuse d’enlever médaille et chapelet. Au dortoir, il prie à genoux – chose interdite. Le Vendredi : le chemin de croix, quoi qu’il en coûte. A Noël, il chante des cantiques en épluchant. Sanction : ramper sur le sol. Pendant les séances de lavage de cerveau il lit : l’Imitation de Jésus Christ.

            En août 80, il a 33 ans, les ouvriers des grandes aciéries de Huta Warszawa l’invitent pour célébrer la toute première messe jamais chantée dans ce que le pouvoir pensait être un fief du communisme. Il en est bouleversé : «  On m’a applaudit. J’ai cru un instant qu’une célébrité marchait derrière moi. Mais non ! Ces applaudissements m’étaient bien destinés, à moi, premier prêtre à avoir jamais franchi le portail de l’aciérie. Je me suis dit alors qu’on ovationnait ainsi l’Eglise qui depuis 30 ans a frappé aux portes des usines. » Par ailleurs, il lance les grands pèlerinages  nationaux d’ouvriers – par centaines de milliers – à Czestochowa, chaque 3ème dimanche de septembre.

 

 La guerre d’un Etat contre une Nation, guerre d’un gouvernement contre le peuple. 

 

            Le sinistre 13 Décembre 81, quelques mois après l’attentat de Jean-Paul II, l’état de guerre  est proclamé. 6000 responsable du Syndicat Solidarnosc , de nuit, sont emprisonnés, l’armée partout déployée massivement, les réactions, comme durant les pires années où toute manifestation est violemment réprimée, noyée dans un bain de sang. Ce premier et unique syndicat dans tout l’empire est intolérable pour le régime. A la face du monde, il prouve que le christianisme est le calciumd’un peuple, et le marxisme son opium.  Révolution dans l’idée même du communisme. C’est le sous- prolétariat qui se soulève contre ces apparatchiks qui se prétendent être  sa voix. Le comble ! Intolérable ! Après avoir tenté quelques mois plus tôt d’ éliminer son premier défenseur, son avocat à la face du monde, ce Jean-Paul II qui ose le soutenir inconditionnellement – il faut l’éradiquer totalement, sous peine d’être contagieux pour tous les pays du bloc  Est, qui se met à trembler sur ses bases.

            C’est alors qu’une voix va retentir. Elle va oser, clamer ce que tous pensent, mais ne peuvent dire sans risquer, au minimum des années de prison. Et quelles prisons ! Voix qui brise le mur du silence. Jerzy se fait la voix de son peuple bâillonné. Il arrache le bâillon de ses lèvres, à défaut des menottes à ses mains.  Il le fait au cours des 33 messes pour la Nation qu’il va célébrer, renouant avec la tradition séculaire des « prières pour la Patrie », ,  le plus souvent clandestines, surtout durant les 3 siècles où la Pologne était dépecée par d’écrasants empires voisins : Russie, Allemagne, Autriche-Hongrie. 33 stations de son chemin montant au Calvaire. De mois en mois, les foules augmentent à tel point qu’il faudra les célébrer sur un balcon surmontant le porche d’entrée de l’église S. Stanislas Kotska, dominant la place noire de monde. Leur retentissement est incalculable. Surtout elles parviennent immédiatement aux oreilles de l’habitant n° 1 du Vatican…

            A cette voix de prophète et de Précurseur, qui ne crie pas dans le désert, tendons l’oreille. Dès février 82, où il choisit les textes à faire frémir certains ( Sg 6,1-9 ; Ps 58,2-8), il cite les évêques :

«  L’ Eglise se place toujours du côté de ceux qui sont privés de liberté, de ceux dont on brise les consciences. Notre douleur est celle de la Nation toute entière terrorisée par la force militaire… de tous ceux, internés, arrêtés, condamnés.. »

            En avril 82, de citer un poète : «  Plus fort que les pierres qui pleuvent sur nous, plus fort que la main arbitraire et parjure qui s’abat sur  nous, crier que notre cœur brisé dans notre poitrine ni ne se pliera, ni ne se changera. La mort est périssable, la foi… éternelle ! »

 

            Les textes choisis sont  loin d’être neutres ( Dan 3,37-45, Ps 94, Mc 13,9 ) : «  on vous livrera aux Sanhédrins, vous serez battus, vous comparaîtrez… » Et de prier : «  Aujourd’hui, il y a tant de familles d’orphelins de notre patrie, des enfants attendant le retour de leurs parents.

            «  Nous te prions pour ceux qui brisent les consciences humaines, ce qui est pire encore que de tuer…  Que les consciences de nos compatriotes ne soient pas asservies ! Nous te prions pour les fonctionnaires de la justice qui n’ont pas le courage de s’opposer au mensonge et qui acceptent le faux pour le vrai. Nous te confions les ouvriers qui ont donné leur sang et offert leur vie pour défendre leurs droits humains inaliénables. » Et de citer un détenu : «  Ne nous laisse pas nous figer dans la colère et la rage, pardonne à nos traîtres ! » Et encore : «  Ô Pologne, on t’a privé de tout, mais tu as tout, tant qu’il te reste le ciel et la terre sous les pieds ! Ta terre est frappée du glaive comme le visage de la Très sainte Madone de Jasna Gura ! »

            En Mai, citation d’un hymne des insurgés de 1830 prenant une actualité saisissante, les chars de l’URSS étant prêts à intervenir :

«  Les tours de  Moscou seront ébranlées. La cloche de la liberté sonne et un sang libre est répandu ! » Mère de Dieu, porte ce sang du peuple libre devant le Trône divin ! Reine au visage balafré, nous Te présentons la demi-année d’esclavage de guerre. Une seule prière demeure : donne-nous la grâce de résister ! Vois comme l’ennemi bafoue notre âme ! »

            En Juin encore des textes brûlants :

            «  La coupe déborde de sang,  d’amertume et de larmes. Toujours écrasés mais fidèles dans la foi, nos cœurs ne tremblent pas à la vue des meurtres. La droiture s’effondre, la force étrangère nous écrase, elle enfonce les tempes polonaises dans la couronne de fer ! Sois Pologne !  Et libre sera la  Pologne ! »

 

            Sept  82 : devant la foule où chacun tient une petite croix en main :

«  Il n’y a pas d’Eglise sans la croix, il n’y a ni sacrifice ni sanctification sans la croix. Celui qui vainc dans une cause juste, vainc par la croix et dans la croix. L’Eglise doit dire la vérité. L’Eglise doit défendre les souffrants. Au nom de la vérité, l’Eglise ne peut jeter un regard indifférent sur le mal et sur les peines humaines. L’Eglise avance vers la Résurrection. Il n’y a pas d’autre voie. Et c’est pourquoi les croix de notre Patrie, nos croix personnelles, celles de nos familles, doivent mener à la victoire, à la Résurrection, si nous les joignons au Christ qui a vaincu la croix. » Et de s’exclamer : «  Quelle ressemblance aujourd’hui encore entre le Christ couvert de sang sur la croix et notre Patrie douloureuse ! »

            

 

 (1) : Benoît XVI 15 avril 2010, en la chapelle Pauline avec la Commission Pontificale biblique.

Jerzy Popieluszko ou : le courage de la Vérité au prix du sang

 

 

              Orléans. Mardi 29 oct. 1984. Plusieurs centaines de jeunes veillent toute la nuit dans la cathédrale, en adorant et se confessant. Après sa confession, chaque jeune reçoit un lumignon  rouge allumé et le dépose sur une gigantesque croix toute illuminée, à la stupeur des passants. Le lendemain, 30, je leur donne un enseignement sur les martyrs contemporains dans les pays si proches du «  bloc Est » de notre Europe, que Jean-Paul II ne cessait d’évoquer.

 

             Vers la fin, on me glisse un billet : «  la radio vient d’annoncer l’assassinat du P. Popieluszko ». Disparu depuis 10 jours, nous avions offert notre veillée spécialement pour lui et je venais de le citer longuement. J’annonce donc la terrible nouvelle. Comme un seul homme, les voilà tous debout, chantant l’hymne pascale (sur la mélodie de Haendel adaptée par A. Gouzes). Spontanément, ils vont déposer leurs palmes (Nous avions comme  thème de l’entrée de Jésus à Jérusalem) au pied de la grande croix verticale sur le parvis, formant une seconde croix horizontale, sur le modèle de ces grandes croix  de fleurs piquetées de bougies, autour desquelles les  Polonais se rassemblaient en chantant, veillant sur elles. Ces croix fleuries et lumineuses étaient les seuls moyens de s’exprimer de tout un peuple qui tombe à genoux quand on le frappe. Ce qu’on vient de revoir après la seconde tragédie de Katyn. De tout cela,  j’avais été le témoin ému, en mai puis en nov 81 où je l’avais sans doute rencontré à la paroisse universitaire S.Anne où il était aumônier des services médicaux.

 

             Cette béatification tant attendue, 25 ans  après son martyre, prend une actualité saisissante. Il a été, en Pologne, la dernière victime violemment assassinée par le régime totalitaire du communisme. Or, nous voilà ici, non plus simplement menacé, mais déjà terrorisé par une idéologie anti-chrétienne virant au totalitarisme :   

 

            « L'époque moderne a parlé de la libération de l'homme, de sa pleine autonomie, et donc également de sa                          libération de l'obéissance à Dieu. L'obéissance ne devrait plus exister, l'homme est libre, il est autonome: rien                    d'autre. Mais cette autonomie est un mensonge: c’est un mensonge ontologique, car l'homme n'existe pas par lui-              même et pour lui-même, et c'est également un mensonge politique et pratique, car la collaboration, le partage de              la liberté est nécessaire. Et si Dieu n'existe pas, si Dieu n'est pas une instance accessible à l'homme, il ne reste                  comme instance suprême que le consensus de la majorité qui devient le dernier mot auquel nous devons obéir. Et              ce consensus - nous le savons depuis l'histoire du siècle dernier - peut également être un "consensus du mal".  La              soi-disant autonomie ne libère pas véritablement l'homme. L'obéissance à Dieu est la liberté, car elle est la vérité,              elle est l'instance qui nous place face à toutes les instances humaines. (Dans l'histoire de l'humanité, ces paroles                de Pierre et de Socrate sont le véritable phare de la libération de l'homme, qui sait voir Dieu et, au nom de Dieu,                peut et doit obéir non pas tant aux hommes, mais à Lui, et se libérer ainsi du positivisme de  l'obéissance                          humaine).            

             Les dictatures ont toujours été contre cette obéissance à Dieu. La dictature nazie, comme la dictature marxiste,                  ne  peuvent pas accepter un Dieu qui soit au-dessus du pouvoir idéologique; et la liberté des martyrs, qui                            reconnaissent    Dieu, précisément dans l'obéissance au pouvoir divin, est toujours l'acte de libération à travers                  lequel nous parvient la liberté du Christ.  Aujourd'hui, (grâce à Dieu, nous ne vivons pas sous une dictature, mais)              il existe des formes subtiles de dictatures:  un conformisme qui devient obligatoire, penser comme tout le monde,              agir comme tout le monde, et les agressions subtiles contre l'Eglise, ainsi que celles plus ouvertes, démontrent                  que ce conformisme peut réellement être une véritable dictature. »[1]

 

           Revenons au Père Popieluszko. Le beau courage qui va le caractériser se manifeste déjà jeunes et spécialement pendant ce service militaire – il a 19 ans- où les séminaristes doivent subir toutes sortes de brimades et punitions gratuites. Sachant les punitions risquées, il refuse d’enlever médaille et chapelet. Au dortoir, il prie à genoux – chose interdite. Le Vendredi : le chemin de croix, quoi qu’il en coûte. A Noël, il chante des cantiques en épluchant. Sanction : ramper sur le sol. Pendant les séances de lavage de cerveau il lit : l’Imitation de Jésus Christ.

            En août 80, il a 33 ans, les ouvriers des grandes aciéries de Huta Warszawa l’invitent pour célébrer la toute première messe jamais chantée dans ce que le pouvoir pensait être un fief du communisme. Il en est bouleversé : «  On m’a applaudit. J’ai cru un instant qu’une célébrité marchait derrière moi. Mais non ! Ces applaudissements m’étaient bien destinés, à moi, premier prêtre à avoir jamais franchi le portail de l’aciérie. Je me suis dit alors qu’on ovationnait ainsi l’Eglise qui depuis 30 ans a frappé aux portes des usines. » Par ailleurs, il lance les grands pèlerinages  nationaux d’ouvriers – par centaines de milliers – à Czestochowa, chaque 3ème dimanche de septembre.

 

 La guerre d’un Etat contre une Nation, guerre d’un gouvernement contre le peuple. 

 

            Le sinistre 13 Décembre 81, quelques mois après l’attentat de Jean-Paul II, l’état de guerre  est proclamé. 6000 responsable du Syndicat Solidarnosc , de nuit, sont emprisonnés, l’armée partout déployée massivement, les réactions, comme durant les pires années où toute manifestation est violemment réprimée, noyée dans un bain de sang. Ce premier et unique syndicat dans tout l’empire est intolérable pour le régime. A la face du monde, il prouve que le christianisme est le calciumd’un peuple, et le marxisme son opium.  Révolution dans l’idée même du communisme. C’est le sous- prolétariat qui se soulève contre ces apparatchiks qui se prétendent être  sa voix. Le comble ! Intolérable ! Après avoir tenté quelques mois plus tôt d’ éliminer son premier défenseur, son avocat à la face du monde, ce Jean-Paul II qui ose le soutenir inconditionnellement – il faut l’éradiquer totalement, sous peine d’être contagieux pour tous les pays du bloc  Est, qui se met à trembler sur ses bases.

            C’est alors qu’une voix va retentir. Elle va oser, clamer ce que tous pensent, mais ne peuvent dire sans risquer, au minimum des années de prison. Et quelles prisons ! Voix qui brise le mur du silence. Jerzy se fait la voix de son peuple bâillonné. Il arrache le bâillon de ses lèvres, à défaut des menottes à ses mains.  Il le fait au cours des 33 messes pour la Nation qu’il va célébrer, renouant avec la tradition séculaire des « prières pour la Patrie », ,  le plus souvent clandestines, surtout durant les 3 siècles où la Pologne était dépecée par d’écrasants empires voisins : Russie, Allemagne, Autriche-Hongrie. 33 stations de son chemin montant au Calvaire. De mois en mois, les foules augmentent à tel point qu’il faudra les célébrer sur un balcon surmontant le porche d’entrée de l’église S. Stanislas Kotska, dominant la place noire de monde. Leur retentissement est incalculable. Surtout elles parviennent immédiatement aux oreilles de l’habitant n° 1 du Vatican…

            A cette voix de prophète et de Précurseur, qui ne crie pas dans le désert, tendons l’oreille. Dès février 82, où il choisit les textes à faire frémir certains ( Sg 6,1-9 ; Ps 58,2-8), il cite les évêques :

«  L’ Eglise se place toujours du côté de ceux qui sont privés de liberté, de ceux dont on brise les consciences. Notre douleur est celle de la Nation toute entière terrorisée par la force militaire… de tous ceux, internés, arrêtés, condamnés.. »

            En avril 82, de citer un poète : «  Plus fort que les pierres qui pleuvent sur nous, plus fort que la main arbitraire et parjure qui s’abat sur  nous, crier que notre cœur brisé dans notre poitrine ni ne se pliera, ni ne se changera. La mort est périssable, la foi… éternelle ! »

 

            Les textes choisis sont  loin d’être neutres ( Dan 3,37-45, Ps 94, Mc 13,9 ) : «  on vous livrera aux Sanhédrins, vous serez battus, vous comparaîtrez… » Et de prier : «  Aujourd’hui, il y a tant de familles d’orphelins de notre patrie, des enfants attendant le retour de leurs parents.

            «  Nous te prions pour ceux qui brisent les consciences humaines, ce qui est pire encore que de tuer…  Que les consciences de nos compatriotes ne soient pas asservies ! Nous te prions pour les fonctionnaires de la justice qui n’ont pas le courage de s’opposer au mensonge et qui acceptent le faux pour le vrai. Nous te confions les ouvriers qui ont donné leur sang et offert leur vie pour défendre leurs droits humains inaliénables. » Et de citer un détenu : «  Ne nous laisse pas nous figer dans la colère et la rage, pardonne à nos traîtres ! » Et encore : «  Ô Pologne, on t’a privé de tout, mais tu as tout, tant qu’il te reste le ciel et la terre sous les pieds ! Ta terre est frappée du glaive comme le visage de la Très sainte Madone de Jasna Gura ! »

            En Mai, citation d’un hymne des insurgés de 1830 prenant une actualité saisissante, les chars de l’URSS étant prêts à intervenir :

«  Les tours de  Moscou seront ébranlées. La cloche de la liberté sonne et un sang libre est répandu ! » Mère de Dieu, porte ce sang du peuple libre devant le Trône divin ! Reine au visage balafré, nous Te présentons la demi-année d’esclavage de guerre. Une seule prière demeure : donne-nous la grâce de résister ! Vois comme l’ennemi bafoue notre âme ! »

            En Juin encore des textes brûlants :

            «  La coupe déborde de sang,  d’amertume et de larmes. Toujours écrasés mais fidèles dans la foi, nos cœurs ne tremblent pas à la vue des meurtres. La droiture s’effondre, la force étrangère nous écrase, elle enfonce les tempes polonaises dans la couronne de fer ! Sois Pologne !  Et libre sera la  Pologne ! »

 

            Sept  82 : devant la foule où chacun tient une petite croix en main :

«  Il n’y a pas d’Eglise sans la croix, il n’y a ni sacrifice ni sanctification sans la croix. Celui qui vainc dans une cause juste, vainc par la croix et dans la croix. L’Eglise doit dire la vérité. L’Eglise doit défendre les souffrants. Au nom de la vérité, l’Eglise ne peut jeter un regard indifférent sur le mal et sur les peines humaines. L’Eglise avance vers la Résurrection. Il n’y a pas d’autre voie. Et c’est pourquoi les croix de notre Patrie, nos croix personnelles, celles de nos familles, doivent mener à la victoire, à la Résurrection, si nous les joignons au Christ qui a vaincu la croix. » Et de s’exclamer : «  Quelle ressemblance aujourd’hui encore entre le Christ couvert de sang sur la croix et notre Patrie douloureuse ! »

            

 

 

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